Les dessous de la déforestation : un fléau pour la planète et l’humanité
- Posted by Inès de Pampelonne
- On 26 septembre 2016
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- agriculture durable, déforestation, sécurité alimentaire
Toutes les minutes, 2 000 arbres sont arrachés. Chaque année, la proportion de forêts détruite dans le monde est équivalente à la surface de la Belgique. Soit 4 trilliards de dollars de services écosystémiques gratuits partis en fumée.
Cette action de déforestation, elle est principalement consacrée à favoriser le développement de l’agriculture commerciale.
L’un des arguments utilisés pour justifier cette pratique dévastatrice se traduit par la nécessité d’anticiper les besoins en ressources alimentaires d’une population mondiale toujours plus croissante, en dégageant des espaces semençables (la recherche du profit par les grands exploitants joue aussi beaucoup en la défaveur des forêts).
Mais n’est-ce pas faire fausse route que de sacrifier les forêts, indispensables à l’équilibre planétaire, notamment au profit de la création de zones d’agriculture de masse, une pratique qui agresse et pollue les sols ? N’y a t-il pas de solutions alternatives, plus durables, plus respectueuses voire même, plus rentables pour assurer notre sécurité alimentaire ?
Tour d’horizon de ce sujet conséquent, sur lequel la FAO (organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) a réalisé un récent rapport, le rapport SOFO.
La population mondiale croît, ses besoins alimentaires aussi
C’est un fait, nous, les Hommes, représentons de plus en plus de bouches à nourrir sur terre. Un rapport des Nations Unies prévoit d’ailleurs que nous serons près de 10 milliards d’êtres humains en 2050. Il faudra donc trouver des ressources pour nourrir les milliards de nouveaux arrivants. Un enjeu planétaire décisif pour l’avenir. A cet enjeu crucial ne sont pas toujours apportées les bonnes réponses. Les solutions sont souvent choisies pour satisfaire des volontés court-termistes, et pas encore assez dans une logique de développement durable.
La solution de facilité notamment choisie face à ces enjeux : le développement croissant de l’agriculture commerciale au détriment de nos forêts
La déforestation, si elle est nécessaire à une certaine échelle (création d’infrastructures, production de combustibles…), est devenue clairement abusive.
Nous avons abattu la grande majorité de la surface forestière planétaire, à savoir 80 %, et ce principalement au cours des 30 dernières années.
Tout cela spécifiquement au service de l’agriculture, première cause de déforestation dans le monde.
Cela vaut pour l’agriculture commerciale ou productiviste à des fins de production massive et de rentabilité financière, mais aussi à plus petite échelle pour l’agriculture locale : certaines communautés locales ne trouvent pas d’autres choix que de défricher la forêt pour s’offrir de petites parcelles semençables.
Le phénomène est d’autant plus présent dans les pays tropicaux ou en voie de développement (Amazonie, Afrique équatoriale, Asie du Sud-Est…). Dans ces régions, l’agriculture commerciale transforme et détruit plus de 40 % des forêts, et l’agriculture locale en dénature 33 % (rapport de la FAO).
Ainsi, les exploitants, petits et grands confondus, gagnent plus de 6 millions d’hectares de terres agricoles par an (production de soja, pâturages extensifs, etc.). Mais à quel prix ? Celui d’une perte annuelle de 7 millions d’hectares de forêts, dont les conséquences sont plus que nocives (disparition d’espèces, réchauffement climatique, érosion et épuisement des sols, catastrophes naturelles telles que celles advenues récemment au Brésil, etc…).
Un système absurde quand on pense que la déforestation initialement vouée au développement l’agriculture participe finalement à la destruction des espaces agricoles, à cause du déséquilibre créé sur les écosystèmes. D’autant qu’à ce déséquilibre s’ajoute l’agression des sols par l’Homme (pesticides, surproduction…) : depuis une vingtaine d’années, l’agriculture intensive aurait ainsi fait perdre près de 10 millions de mètres carrés de terres cultivables dans le monde, soit à peu près l’équivalent de la superficie américaine.
La déforestation est donc loin d’être une solution de sécurité alimentaire, bien au contraire. Nous avons créé un cercle vicieux dont il est temps que la boucle soit brisée.
Des conséquences désastreuses sur la forêt, un écosystème essentiel et irremplaçable
Les forêts, qui représentent à elles seules plus d’un tiers de la surface du globe, sont les indispensables berceaux d’une biodiversité unique qui nous est bénéfique, à nous les Hommes, mais aussi à la planète et à l’ensemble des êtres vivants qui y coexistent.
Elles font notamment vivre plus ou moins directement plus de 1 milliard et demi de personnes sur terre (sources de nourriture, médicaments, combustibles etc…). Mais assurent aussi un rôle primordial pour préserver l’équilibre naturel de notre planète : une fonction décisive concernant le cycle de l’eau, la lutte naturelle contre les ravageurs agricoles, etc…
Surtout, elles constituent une importante réserve de carbone : 40 % du CO2 émis sur la surface du globe est pris en charge par la végétation et les sols des forêts. Ces dernières figurent donc comme un rempart ralentissant le réchauffement climatique et régulant le climat. En les détruisant, nous nous exposons à un dérèglement climatique d’autant plus rapide et ravageur.
Les solutions alternatives existent : oui, amélioration de la sécurité alimentaire, rendements agricoles et maintien des forêts voire augmentation du couvert forestier peuvent aller de pair
Vous l’aurez compris, la déforestation est loin d’être une solution pour nourrir l’humanité. Au contraire, le déboisement risque de mettre à mal l’agriculture à long terme, puisque les forêts sont des éléments naturellement utiles aux cultures environnantes.
Alors, si les surfaces cultivables sont de plus en plus restreintes, la solution n’est pas de créer de la place en défrichant le couvert forestier, mais d’optimiser cette place pour en assurer les rendements.
Guillermo Vargas Leiton, petit producteur au “Café de Monteverde”, Costa Rica, s’exprime à ce sujet :
“aujourd’hui nous ne disposons plus de beaucoup de terres, nous sommes de plus en plus nombreux sur la planète et il faut donc comprendre comment faire pour produire plus de nourriture sur des surfaces plus réduites tout en protégeant l’environnement à long terme”
Autrement dit, cela signifie pratiquer une agriculture durable. C’est-à-dire, pratiquer une agriculture viable, rentable pour ses producteurs, qui prend en compte ses effets sur l’environnement afin d’en assurer la protection.
La FAO encadre notamment cette problématique et encourage les secteurs de la foresterie et de l’agriculture à renverser la tendance en travaillant main dans la main pour trouver des solutions durables d’agriculture, et encadrer au mieux la gestion des forêts.
L’organisation présente notamment un plan d’action en huit points. Parmis eux : la nécessité d’un contexte juridique et institutionnel encourageant, le besoin en financements, l’importance d’impliquer davantage les communautés locales ainsi que les petits producteurs dans cette cause.
En pratique des exemples concrets témoignent de la réussite de ce genre d’initiatives.
C’est le cas au Costa Rica, dont le programme de Paiement de Services Environnementaux, financé à 22 % par des crédits de la Banque Mondiale et à 64 % par les impôts sur les combustibles fossiles, a notamment offert des bons aux agriculteurs pour replanter plus de 5 millions d’arbres sur le territoire. Grâce à ce programme, les forêts recouvrent désormais plus de la moitié de la surface du pays.
Au Vietnam aussi, le couvert forestier et, parallèlement, la sécurité alimentaire, se sont considérablement accrus depuis un quart de siècle. D’une gestion centralisée des forêt, le Vietnam est passé à une gestion participative par les communautés locales. Résultat : la proportion de forêts sur le territoire s’est accrue de 28 % dans les années 90 à 40 % aujourd’hui. Le pays anciennement importateur de produits alimentaires est désormais l’un des premiers exportateurs de riz dans le monde. Enfin, les conditions de travail et de vie des petits exploitants se sont nettement améliorées.
Une timide évolution de la situation se fait tout de même sentir
La bonne nouvelle, c’est que depuis peu de temps (à peu près 2010) s’est opérée une prise de conscience qui a fait quelque peu ralentir le rythme effréné de déforestation. Une vingtaine de pays a gagné le pari d’assurer la sécurité alimentaire de ses habitants sans pour autant en déboiser les forêts, mieux : en accroissant la surface forestière. Ainsi, le Chili, la Thaïlande, le Maroc ou la Turquie ont par exemple accru leur couvert forestier de plus de 10 %. Mais la bataille est encore loin d’être finie, il reste beaucoup d’efforts à faire pour améliorer la situation…
A notre échelle individuelle, lutter contre la déforestation peut revenir à réévaluer nos modes de consommation. Une grande majorité des produits que l’on utilise au quotidien contiennent des matériaux directement issus de l’exploitation des forêts : soja, boeuf, bois, huile de palme (au sein d’innombrables produits d’alimentation et d’hygiène de grandes marques) pour ne citer qu’eux. Il faut donc être attentif, attentif à ce que contiennent les produits que l’on acquiert, attentif aux labels qui peuvent y être reliés, attentif à ne pas être acteurs de ce fléau. Afin que notre planète bleue reste aussi… verte.
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