La région Ile-de-France s’attaque à la pollution de l’air : interview exclusive de Chantal Jouanno
- Posted by Inès de Pampelonne
- On 1 juillet 2016
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Le Conseil Régional d’Ile-de-France passe à l’action pour traiter en profondeur les causes de la pollution atmosphérique chronique observée dans la première région de France. Valérie Pécresse, la présidente de la région, a ainsi récemment annoncé la mise en place du plan régional qui vise à améliorer la qualité de l’air francilienne sur les cinq années à venir. Il a été débattu les 16 et 17 juin en séance plénière, et nous avons discuté des modalités de ce plan, de son application, ainsi que des résultats du débat dont il a fait l’objet avec Chantal Jouanno, sénatrice, porte-parole de l’UDI et vice-présidente de la région Ile-de-France chargée de l’écologie et du développement durable.
Améliorer la qualité de l’air francilienne, un enjeu de taille
La région a augmenté de 150% son budget concernant le domaine de l’air. Quelle part représente ce budget dans le budget total ?
- “La totalité du budget régional en 2016 s’élève à 5 milliards d’euros. L’essentiel de cette somme, à savoir presque un tiers, est dédié aux transports. Hors transport, 150 millions d’euros vont être investis pour prendre en charge sur 5 ans le plan en faveur de la qualité de l’air.”
La qualité de l’air est-elle donc vue comme une priorité ?
- “La qualité de l’air peut en effet être considérée comme une urgence, ou du moins une priorité première dans le domaine de l’environnement, notamment à cause de ses conséquences sanitaires et des contentieux qui pèsent sur la France à ce sujet.”
La France a en effet été menacée de condamnation à plusieurs reprises par la Cour Européenne en raison de son dépassement fréquent des limites européennes d’émission de particules fines néfastes.
A noter également que 12% de la population francilienne est exposée quotidiennement à des niveaux de pollutions trop élevés, qui causent des risques de maladies respiratoires ou cardio-vasculaires plus ou moins graves et de décès prématurés (selon l’OMS).
Quelles sont les principales causes de pollution de l’air régional ?
- “Les origines de cette pollution sont assez bien identifiées. Les 1ers polluants qui posent problème sont les particules (PM10 et PM2,5), le dioxyde d’azote, et l’ozone, qui proviennent, pour caricaturer, de deux principales sources polluantes : les transports et le résidentiel.”
Plus précisément, le transport motorisé à l’origine du trafic routier est l’une des sources majeure de pollution : il émet plus de 50% du dioxyde d’azote produit à l’échelle régionale, mais rejette aussi du benzème et, allié à certaines conditions météorologiques (soleil, chaleur…), il créée de l’ozone.
Ajoutés au résidentiel, le tertiaire et les chantiers jouent également un rôle important dans la production d’autres particules à caractère polluant et dangereux.
En partant d’un bilan quelque peu alarmant sur les conséquences de la pollution de l’air francilienne pour la santé publique, mais aussi pour notre environnement, la région a décidé de lancer une offensive transversale contre cette pollution. Retour sur les principaux domaines d’actions visés.
Vous souhaitez agir de manière transversale avec ce plan. Pouvez-vous nous expliquer ce choix ?
- “La transversalité dans le domaine de l’air s’impose puisque ce domaine rejoint tous les domaines d’activité du conseil régional : les transports, la formation professionnelle, le développement économique etc… Bien au-delà de la “simple” partie environnement. Donc si on ne fait pas un plan transversal sur toutes ces parties, on ne touche qu’à un dixième de la prise en charge de la qualité de l’air… “
En matière de Recherche et Développement sur la qualité de l’air, pouvez-vous nous parler du Lab Air mentionné dans le plan régional, de ses objectifs d’action et des acteurs mobilisés ?
- “Le Lab Air est à la base une idée portée par Air Parif – organisme de surveillance de la qualité de l’air de la région – qui consiste à créer l’équivalent d’un pôle de compétitivité. Celui-ci va rassembler les entreprises, les chercheurs, les startups, bref, tous les innovateurs dans le domaine de l’amélioration de la qualité de l’air, pour les mettre en réseau : le but est de mettre en synergie leurs connaissances et compétences pour encore accélérer les solutions apportées à la pollution de l’air.”
Qu’en est-il du domaine des transports, puisque ce dernier est le plus polluant ?
- “Nous souhaitons accélérer la réduction des parcs de bus diesels pour les remplacer par de l’hybride / électrique / GNV (Gaz Naturel pour Véhicules) et assurer le développement de bornes de recharges de véhicules propres sur le territoire. Le plan régional inclue également un dispositif d’aide pour remplacer les véhicules utilitaires des artisans immatriculés avant 1997 par des véhicules électriques neufs.”
La mise en application du Certificat qualité de l’air par l’Etat va en effet entraîner l’interdiction de circulation dans Paris des véhicules d’avant 1997, jugés trop polluants. La région Ile-de-France veut ainsi aider les artisans qui seront pénalisés par cette mesure. Les aides financières seront plafonnées en fonction de la catégorie de leur véhicule à remplacer.
“favoriser la multimodalité” est aussi l’un des maîtres-mots de la région pour ce plan concernant les transports.
Quels sont les exemples de dispositions en faveur de la qualité de l’air intérieur ?
- “Il est question d’aide aux nouveaux quartiers écologiques et innovants; nous allons aussi développer l’action de conseillers médicaux en environnement intérieur, un dispositif qui existe déjà en Alsace. Ces conseillers iront, sur prescription médicale, au domicile de personnes souffrant d’asthme et d’allergies pour les aider de manière très pratique sur leur maladie et la façon d’adapter leur logement à ces dernières. (Quels produits utiliser, remplacer telle moquette etc…)”
Le fonds air bois est également l’une des grandes mesures du plan régional en faveur de la qualité de l’air. Pouvez-vous nous rappeler en quoi il consiste ?
- “Le but est de changer les vieilles chaudières à bois des particuliers puisque la pollution liée à la combustion du bois (cheminées, vieilles chaudières bois…) représente 90% de la pollution du résidentiel pour les particules. Or 800 000 personnes en Ile-de-France utilisent le bois comme chauffage, que ce soit de manière ponctuelle (un feu de cheminée) ou de manière permanente (ce qui concerne les personnes défavorisées). Et sur ces 800 000 personnes ont été identifiées celles qui se situent hors réseau de chaleur et donc qui n’ont parfois pas d’autre choix que le bois et l’utilisent comme chauffage principal. Ces personnes, au nombre de 42 000, bien souvent défavorisées, vont donc être aidées par une prise en charge quasi-intégrale de l’Ile-de-France combinée avec celle de l’Etat (via l’Ademe) du coût lié au changement de leurs appareils de chauffage.”
Une volonté de plus de concertation et d’alignement des décisions de l’Etat et de la ville de Paris avec celles de la région, pour davantage d’efficacité des politiques atmosphériques
Valérie Pécresse a, je cite, fustigé “le tête-à-tête singulier de l’Etat et la ville de Paris”. Elle a également mis en avant une volonté d’harmonisation des processus décisionnels pour gérer les épisodes de pollution. Quelles en sont les raisons ?
- “Le problème central est assez simple. L’Etat, par la voie de Ségolène Royal, a confié aux régions le rôle de chef de file sur les politiques atmosphériques. La raison est plutôt évidente : quand vous prenez des mesures dans une ville concernant la qualité de l’air, elle vont forcément impacter sur les autres villes puisque la pollution de l’air ne s’arrête pas au frontières des villes. Néanmoins, Ségolène Royal en particulier ne traite ces questions qu’avec la ville de Paris et en a visiblement oublié la région dans la gestion des épisodes de pollution. Il n’y a pas d’étude sur l’impact régional des mesures locales de lutte contre la pollution, et donc pas de prise en compte des éventuels reports de pollution. Nous sommes de ce fait agacés face à ces prises de position pour des raisons purement politiques, d’autant qu’aux yeux de la loi, comme dit précédemment, la région a le premier rôle en terme de politiques atmosphériques. Ce rôle n’est pas tout le temps respecté, ce qui peut diminuer l’efficacité des mesures prises pour améliorer la qualité de l’air…”.
Un débat autour de ce plan régional au bilan positif
Le plan a été débattu lors de la séance plénière du Conseil Régional les 16 et 17 juin. Comment ça s’est passé ?
- “Les résultats ont été extrêmement positifs puisque le plan a été voté à l’unanimité des partis républicains à l’exception du FN (…) les débats étaient constructifs, des propositions d’EELV et du modem ont été votées, tout s’est fait dans le plus grand consensus : il y a une vraie convergence sur les mesures à adopter.”
Quels sont les résultats escomptés ?
- “Ce qu’on attend très concrètement du plan c’est qu’il accélère la lutte contre la pollution vue de fond. Les pics de pollutions ne sont que la partie visible de l’iceberg. Le plan veut agir sur la pollution de fond, la pollution chronique. C’est un plan qui se fixe des moyens d’action, des objectifs de moyens et d’accompagnement. (…) “Il reste cependant encore beaucoup de recherches à faire sur les particules secondaires, c’est-à-dire celles qui se forment à partir de différents polluants.”
Ainsi, ce plan régional, notamment porté par Chantal Jouanno, que nous remercions d’avoir aimablement répondu à nos questions, a pour principe d’agir de façon complète, à différents niveaux. On espère que cette mesure globale, qui apporte de l’espoir quant à l’amélioration de notre qualité de l’air, portera rapidement ses fruits, et donnera un nouveau souffle aux franciliens.
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