Le pouvoir de l’industrie fossile : une menace préoccupante face aux objectifs de la COP21
- Posted by Inès de Pampelonne
- On 10 octobre 2016
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- transition énergétique
En l’état actuel des choses, la surpuissance de l’industrie fossile remet en question notre capacité à remplir l’objectif de l’Accord de Paris de limiter à 2°C le réchauffement climatique d’ici 2050 par rapport au niveau préindustriel. C’est ce qu’affirme le rapport soumis récemment par l’organisation Oil Change International, qui notifie l’urgence de stopper progressivement les financements ou permis lié à l’activité de production de combustibles fossiles (pétrole, gaz, charbon) mais aussi d’éliminer un maximum de réserves d’exploitations d’ores-et-déjà existantes. Oil Change International réclame fermement l’arrêt des subventions superflues accordées par les gouvernements à cette industrie destructrice, au plus tard avant 2020. Décryptage.
Le pouvoir incontestable de l’industrie fossile, lié en grande partie à l’aide qui lui est apportée par les gouvernements à travers le monde…
Aujourd’hui, les multinationales les plus riches et influentes ne sont autres que les plus polluantes, celles qui appartiennent à l’industrie fossile, dont nous sommes dépendants, faute d’avoir participé à son développement massif. Cette croissance de l’industrie fossile, si elle a été dans un sens source de progrès, produit à l’heure actuelle des effets très nuisibles sur l’environnement, la santé, ou l’équilibre géopolitique.
L’argent public des gouvernements du monde entier est utilisé à outrance pour alimenter les rouages de cette industrie.
Comment ? Par le biais de subventions accordées plus ou moins directement à l’industrie fossile afin de réduire le coût des combustibles fossile ou bien d’augmenter le revenu de leurs producteurs : financements directs, allègements fiscaux aux entreprises, prêts et garanties à des taux abordables, fournitures en ressources, etc.
Des subventions loin d’être dérisoires : chaque année, toujours d’après Oil Change International, les gouvernements du monde entier ne fournissent en moyenne pas moins de 775 milliards de dollars (à mille milliards de dollars) à l’industrie fossile. Sans compter les externalités générées par cette dernière – se traduisant par le changement climatique et ses impacts sur l’environnement et la santé publique ou par des conflits d’intérêts géopolitiques – qui représentent environ des centaines de milliards de dollars de plus. Soit 10 millions de dollars par minute en moyenne dédiés à l’industrie fossile. C’est plus que colossal. C’est quatre fois plus que l’argent consacré à la transition énergétique et au développement des énergies renouvelables. Nous fonçons droit dans un mur de béton.
Ainsi, il va falloir que les signataires de l’Accord de Paris (au nombre de 60 aujourd’hui) se donnent les moyens – en agissant en profondeur sur le système actuel – de faire basculer la situation pour pouvoir prétendre à satisfaire les objectifs fixés lors de la COP21, ce qui risque de ne pas être une mince affaire, mais qui s’avère indispensable.
Les mesures jusqu’ici adoptées pour limiter ce fléau
La COP21 a marqué un pas vers des résolutions bénéfiques généralisées pour lutter contre le réchauffement climatique. Une prise de conscience se fait peu à peu sentir : d’après le World Resources Institute, 97 pays auront potentiellement ratifié l’Accord de Paris d’ici à la fin de l’année, ce qui permettrait son entrée en vigueur rapidement, et accélérerait donc la mise en place d’actions concrètes par les gouvernements.
Parmis les mesures à prendre, il faut bien-sûr, réformer les politiques gouvernementales qui favorisent les industries fossiles. Récemment, certaines évolutions ont été observées : les deux pays les plus pollueurs de la planète – à savoir les Etats-Unis et la Chine – ont en particulier manifesté leur volonté de contrôler davantage leurs financements publics à destination des producteurs de combustibles fossiles. Après avoir annoncé leurs ratifications respectives de l’Accord de Paris début septembre et sous l’égide de l’OCDE, les deux grandes puissances ont décidé d’examiner la proportion de subventions dites “inefficaces” qu’ils accordent aux énergies fossiles. L’analyse met en évidence 25 mesures de soutien à la consommation de combustibles fossiles stériles – principalement sur le plan de la production d’électricité et dans le domaine des transports pour la Chine et en majorité sur la production de pétrole et de gaz naturel aux Etats-Unis. Ces subventions, qui s’élèvent à 500 voire à 600 milliards de dollars annuels, vont par conséquent être supprimées progressivement, ce qui représente une diminution des gaz à effet de serre de 6 à 13 % d’ici 2050. Une avancée non négligeable.
De plus, à la suite d’un sommet du G7 en mai 2016, ses membres ont enfin convenu d’une date butoir, à savoir 2025, avant laquelle l’ensemble des subventions inefficaces à destination des producteurs de combustibles fossiles devront être progressivement éliminées.
Si ces exemples d’action à l’encontre du développement des énergies fossiles sont louables, il semble qu’elles demeurent insuffisantes. Le terme “inefficace” pour qualifier les subventions à réformer est également ambigu… Il faut aller plus loin, et c’est ce que pointe du doigt Oil Change International.
Oil Change International appelle au lobbying pour accélérer la prise d’indépendance vis-à-vis des énergies fossiles
Oil Change International estime que les actions gouvernementales internationales ne sont pas assez abouties pour lutter contre le réchauffement climatique, loin de là. L’organisation considère qu’il est nécessaire d’en finir avec le large surplus financier accordé à l’industrie fossile avant 2020, car il sera déjà trop tard en 2025. Il faudra également interdire toute nouvelle activité potentielle liée à cette industrie et certains gisements actuels devront même « cesser leurs activités avant leur exploitation complète » d’après l’organisation. L’objectif final étant de favoriser le basculement vers la transition énergétique (accorder de moins en moins de financements aux énergies fossiles pour en fournir davantage aux énergies vertes, notamment dans les pays pauvres) pour atteindre l’indépendance complète face aux énergies fossiles avant 2050. Pour ce faire, Oil Change International appelle à militer pour faire pression auprès des décideurs mondiaux, notamment au travers de sa campagne #StopFundingFossils, un mouvement mondial luttant contre l’aberration que représentent les aides exorbitantes accordées à l’industrie fossile, qui regroupe des activistes dans 10 pays. Leur vidéo de campagne :
Ainsi, les dirigeants mondiaux semblent globalement s’accorder sur le fait qu’il faille profondément réformer le système de soutien aux énergies fossile. Mais en pratique, le consensus ne suffit pas, et les actions initiées sont encore timides.
Le plus gros obstacle à l’heure actuelle est la puissance incontestable de l’industrie fossile, aussi bien financière que politique et économique. Une influence corruptive exercée sur les décideurs du monde entier qui est, plus que jamais, à freiner.
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